Le problème qui n’a pas de nom… parce que le mot « femme » est qualifié d’essentialiste

The Problem That Has No Name because ‘Woman’ is too Essentialist is now available in French! Many thanks to TradFem for the translation.


Voici le troisième de ma série d’essais sur le sexe et le genre. Les deux premiers : 1 (Le sexe, le genre et le nouvel essentialisme) et 2 (Lezbehonest (Parlons franchement) à propos de l’effacement des femmes lesbiennes par la polique queer) sont également affichés sur TRADFEM.

Inspirée par la prise de position de l’autrice Chimamanda Ngozi Adichie sur l’identité de genre et par la réaction qu’elle a suscitée, je parle ici du langage dans le discours féministe et de l’importance du mot femme.


 « Y a-t-il une façon plus courte et non essentialiste de parler de « personnes qui ont un utérus et tous ces trucs »? », a demandé sur le réseau Twitter la journaliste Laurie Penny. À plusieurs égards, la quête de Penny pour trouver un terme décrivant les personnes biologiquement femmes sans jamais utiliser le mot femme décrit le principal défi posé au langage féministe actuel. La tension entre les femmes qui reconnaissent et celles qui effacent le rôle que joue la biologie dans l’analyse structurelle de notre oppression s’est transformée en ligne de faille (MacKay, 2015) au sein du mouvement féministe. Des contradictions surviennent lorsque des féministes tentent simultanément de voir comment la biologie des femmes façonne notre oppression en régime patriarcal et de nier que notre oppression possède une base matérielle. Il existe des points où l’analyse structurelle rigoureuse et le principe de l’inclusivité absolue coexistent difficilement.

Au cours de la même semaine, Dame Jeni Murray, qui anime depuis 40 ans l’émission radio de la BBC « Woman’s Hour », a été prise à parti par des trans pour avoir posé la question suivante : « Est-ce que quelqu’un qui a vécu en tant qu’homme, avec tous les privilèges que cela implique, peut réellement revendiquer la condition féminine? » Dans un article rédigé pour le Sunday Times, Murray a réfléchi au rôle de la socialisation genrée reçue au cours des années de formation dans le façonnement des comportements ultérieurs, en contestant l’idée qu’il est possible de divorcer le moi physique du contexte sociopolitique. De façon semblable, la romancière Chimamanda Ngozi Adichie est présentement mise au pilori pour ses propres commentaires sur l’identité de genre.

Lorsqu’on lui a demandé « La façon dont vous en êtes venue à la condition féminine a-t-elle de l’importance? », Adichie a fait ce que peu de féministes sont actuellement disposées à faire en raison du caractère extrême du débat entourant le genre. Elle a répondu sans détour et publiquement :

« Alors, quand des gens soulèvent la question « est-ce que les transfemmes sont des femmes? », mon sentiment est que les transfemmes sont des transfemmes. Je pense que si vous avez vécu dans le monde en tant qu’homme, avec les privilèges que le monde accorde aux hommes, et que vous changez ensuite de sexe, il est difficile pour moi d’accepter que nous puissions alors comparer vos expériences avec les expériences d’une femme qui a toujours vécu dans le monde en tant que femme, qui ne s’est pas vu accorder ces privilèges dont disposent les hommes. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d’amalgamer tout cela. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de parler des enjeux des femmes comme étant exactement identiques aux enjeux des transfemmes. Ce que je dis, c’est que le genre ne relève pas de la biologie, le genre relève de la sociologie. »

Au tribunal de l’opinion queer, le crime d’Adichie a été de différencier, dans sa description de la condition féminine, les personnes qui sont biologiquement des femmes, et élevées en tant que telles, de celles qui passent du statut masculin au statut féminin (et qui étaient, à toutes fins utiles, traitées comme des hommes avant leur transition). Dans le discours queer, les préfixes de « cis » et de « trans » sont conçus pour tracer précisément cette distinction, mais ce n’est que lorsque des femmes féministes précisent et explorent ces différences que leur reconnaissance suscite la colère.

La déclaration d’Adichie est parfaitement logique: il est ridicule d’imaginer que les personnes socialisées et perçues comme femmes au cours de leurs années de formation ont vécu les mêmes expériences que les personnes socialisées et perçues comme hommes. La société patriarcale dépend de l’imposition du genre comme façon de subordonner les femmes et d’accorder la domination aux hommes. Amalgamer les expériences des femmes avec celle des transfemmes a pour effet d’effacer le privilège masculin que détenaient les transfemmes avant leur transition et de nier l’héritage des comportements masculins appris. Cela nie la signification réelle du moyen d’accès à la condition féminine pour façonner cette expérience. Cela nie ces deux ensembles de vérités.

Le site web Everyday Feminism a publié une liste de sept arguments visant à prouver que les transfemmes n’ont jamais détenu de privilège masculin. Cet essai aurait peut-être été plus efficace pour préconiser la solidarité féministe s’il n’avait pas, dès la première phrase, adressé une attaque misogyne et âgiste envers les féministes de la deuxième vague. Dans cet article, Kai Cheng Thom soutient que «[…] si les transfemmes sont des femmes, cela signifie que nous ne pouvons pas bénéficier du privilège masculin – parce que le privilège masculin est par définition une chose que seuls peuvent vivre les hommes et les personnes qui s’identifient comme hommes. »

Voici le nœud de la question – la tension qui existe entre la réalité matérielle et l’auto-identification comme facteurs de définition de la condition féminine. Si la transféminité est synonyme de la condition féminine, les caractéristiques de l’oppression des femmes cessent d’être reconnaissables comme expériences de femmes. Le genre ne peut pas être catégorisé comme un mode d’oppression socialement construit s’il doit aussi être considéré comme une identité innée. Cette lecture efface le lien entre le sexe biologique et la fonction première du genre : l’oppression des femmes au profit des hommes. Comme l’a dit Adichie, cet amalgame est au mieux inutile. Si nous ne pouvons pas reconnaître les privilèges dont disposent les êtres reconnus et traités comme masculins sur leurs homologues féminins, nous cessons de pouvoir reconnaître l’existence du patriarcat.

La biologie n’est pas le destin. Cependant, au sein de la société patriarcale, elle détermine les rôles assignés aux filles et aux garçons à la naissance. Et il existe une différence cruciale dans la façon dont les êtres biologiquement masculins et biologiquement féminins sont positionnés par les structures dominantes de pouvoir, indépendamment de l’identité de genre.

« Les filles sont socialisées de façons nuisibles à leur sentiment de soi, socialisées à s’enlever de l’importance, à se plier aux égos masculins, à penser à leurs corps comme des sites de honte. Arrivées à l’âge adulte, beaucoup de femmes luttent pour surmonter, pour désapprendre une bonne part de ce conditionnement social. Les transfemmes sont des personnes nées hommes et des personnes qui, avant leur transition, ont été traitées en tant qu’hommes par le monde. Ce qui signifie qu’elles ont vécu les privilèges que le monde accorde aux hommes. Cela n’élude pas la douleur de la confusion de genre ou les aspects complexes et pénibles de leur sentiment d’avoir vécu dans des corps qui n’étaient pas les leurs. En effet, la vérité sur le privilège sociétal est qu’il ne concerne pas la façon dont vous vous sentez. Il concerne la façon dont le monde vous traite, les influences subtiles et pas si subtiles que vous intériorisez et absorbez. » –Chimamanda Ngozi Adichie

Si les femmes ne peuvent plus être identifiées comme membres d’une classe de sexe à des fins politiques, l’oppression des femmes ne peut plus être directement abordée ou contestée. En conséquence, les objectifs féministes se trouvent sapés par la politique queer.

La linguiste Deborah Cameron a identifié une nouvelle tendance actuelle, celle de l’« étonnante femme en voie d’invisibilisation ». Elle met en évidence le modèle d’effacement des réalités vécues par les femmes, y compris leur oppression, par un langage neutre à l’égard du genre. Mais alors que la féminité est sans cesse déconstruite dans le discours queer, la catégorie de la virilité demeure, elle, à l’abri de toute contestation.

Ce n’est pas un hasard si la masculinité reste incontestée, même au moment où le mot femme est traité comme offensant et « excluant ». L’homme est présenté comme norme de l’humanité, et la femme comme autre-que-l’homme. En réduisant les femmes à des « non-hommes », comme a tenté de le faire le Parti Vert britannique, en réduisant les femmes à des « personnes enceintes », comme conseille de le faire la British Medical Association, le discours queer perpétue la définition de la femme comme autre. L’idéologie queer pousse les conventions patriarcales à leur conclusion logique en repoussant littéralement les femmes hors du vocabulaire et donc de l’existence.

Définir la classe opprimée en fonction de l’oppresseur, nier aux opprimées le vocabulaire pour parler de la façon dont elles sont marginalisées, ne contribue qu’à ratifier la hiérarchie du genre. Bien que ces changements linguistiques semblent à première vue inclusifs, ils ont pour conséquence imprévue de perpétuer la misogynie.

« Supprimer le mot femme et les termes biologiques de tout échange concernant la condition féminine corporelle semble dangereux, écrit la chroniqueuse Vonny Moyes. Refuser de reconnaître l’anatomie des femmes, leurs capacités reproductives et leur sexualité a longtemps été le fait du patriarcat. Il semble que nous ayons bénéficié de quelques décennies dorées de reconnaissance, et que nous avons pu afficher fièrement notre expérience vécue de la condition féminine corporelle, mais nous devons maintenant abdiquer ce vocabulaire au nom du reste du groupe. Même si la logique semble être aux commandes, il est difficile de ne pas ressentir l’effacement de cet aspect de la condition féminine, avec de troublants échos du patriarcat traditionnel. »

Aborder les questions du sexe biologique et de la socialisation genrée est devenu de plus en plus controversé; les adeptes les plus extrêmes de l’idéologie queer qualifient ces deux thèmes de mythes TERF (un qualificatif péjoratif signifiant « féministe radicale excluant les trans ». On souhaiterait bien un caractère mythique au lien entre la biologie des femmes et notre oppression, ou aux conséquences de la socialisation genrée. Dans un tel scénario, celles qui possèdent un corps féminin, les femmes, pourraient simplement échapper par auto-identification à l’oppression structurelle, et choisir de faire partie de n’importe quel autre groupe qu’une classe opprimée. Mais il est manifeste que l’exploitation de la biologie féminine et la socialisation genrée jouent toutes deux un rôle central dans la création et le maintien de l’oppression des femmes par les hommes.

La politique queer reconfigure l’oppression des femmes comme une position de privilège inhérent, tout en nous privant simultanément du langage requis pour analyser cette même oppression et y résister. Le thème de l’identité de genre laisse les féministes déchirées par une sorte de dilemme : soit accepter que d’être marginalisées en raison de notre sexe constitue un privilège « cis », soit protester et risquer d’être stigmatisée comme TERF. Il n’y a pas de place pour les voix dissidentes dans cette conversation – pas si ces voix sont celles de femmes. À cet égard, il y a très peu de différence entre les normes établies par le discours queer et celles qui régissent les règles patriarcales.

Le mot femme est important. Avoir un nom confère du pouvoir. Comme l’observe Patricia Hill Collins (2000), l’autodéfinition est un élément clé de la résistance politique. Si la condition féminine ne peut être articulée positivement, si elle n’est comprise que comme l’envers négatif de la virilité, les femmes sont maintenues dans la position d’objet. Ce n’est qu’en considérant les femmes comme le sujet – en tant qu’êtres humains auto-actualisés ayant droit à l’autodétermination – que la libération devient possible.

« La force du mot « femme » est qu’il peut être utilisé pour affirmer notre humanité, notre dignité et notre valeur, sans nier notre féminité incarnée ou la traiter comme une source de honte. Ce mot ne nous réduit pas à des ventres ambulants, ni ne nous dé-genre ou dématérialise. C’est pourquoi il est important pour les féministes de continuer à l’utiliser. Un mouvement dont le but est de libérer les femmes ne devrait pas traiter le mot « femme » comme obscène. » (Deborah Cameron)

Sans une utilisation fière et explicite du mot femme, la politique féministe manque de l’ampleur nécessaire pour organiser toute résistance réelle à la subordination des femmes. On ne peut pas libérer une classe de personnes qui ne peuvent même pas être nommées. La condition féminine est dévaluée par ces insidieuses tentatives de la rendre invisible. Si les femmes ne se jugent pas à la hauteur du malaise créé par le fait de nous nommer directement, précisément, nous ne pouvons guère prétendre valoir la peine des difficultés que la libération doit susciter.

Toute éventuelle infraction causée par une référence sans équivoque au corps féminin est peu de chose en comparaison des violences et de l’exploitation de nos corps féminins en régime patriarcal. Comme le dit Chimamanda Ngozi Adichie: « « Parce que tu es une fille » ne constitue jamais une justification de quoi que ce soit. Jamais. »


Bibliographie 

Chimamanda Ngozi Adichie. (2014). We Should All Be Feminists

Chimamanda Ngozi Adichie. (2017). Dear Ijeawele, or A Feminist Manifesto in Fifteen Suggestions

Kat Banyard. (2010). The Equality Illusion: The Truth about Women and Men Today

Deborah Cameron. (2007). The Myth of Mars and Venus: Do Men and Women Really Speak Different Languages?

Patricia Hill Collins. (2000). Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness and the Politics of Empowerment (Second Edition)

Finn MacKay. (2015). Radical Feminism: Feminist Activism in Movement

Natasha Walter. (2010). Living Dolls: The Return of Sexism


 

Translation originally posted here.

Original text initially posted here.

The Problem That Has No Name because “Woman” is too Essentialist

This is the third in my series of essays on sex and gender (see parts 1, 2, & 4). Inspired by Chimamanda Ngozi Adichie’s comments on gender identity and the subsequent response, I have written about language within feminist discourse and the significance of the word woman.

Update: this essay is now available in French and Spanish.


 

Screenshot_20170315-144208“…what’s a shorter non-essentialist way to refer to ‘people who have a uterus and all that stuff’?” In many ways, Laurie Penny’s quest to find a term describing biologically female people without ever actually using the word woman typifies the greatest challenge within ongoing feminist discourse. The tension between women acknowledging and erasing the role of biology in structural analysis of our oppression has developed into a fault line (MacKay, 2015) within the feminist movement. Contradictions arise when feminists simultaneously attempt to address how women’s biology shapes our oppression under patriarchal society whilst denying that our oppression is material in basis. At points, rigorous structural analysis and inclusivity make uneasy bedfellows.

That same week Dame Jeni Murray, who has hosted BBC Woman’s Hour for forty years, faced criticism for asking “Can someone who has lived as a man, with all the privilege that entails, really lay claim to womanhood?” Writing for the Sunday Times, Murray reflected upon the role of gendered socialisation received during formative years in shaping subsequent behaviour, challenging the notion that it is possible to divorce the physical self from socio-political context. Similarly, the novelist Chimamanda Ngozi Adichie came under fire for her comments on gender identity.

When asked “does it matter how you arrived at being a woman?” Adichie did what few feminists are presently prepared to do because of the extremity within debate surrounding gender. She gave a candid public response:

“So when people talk about ‘are transwomen women?’, my feeling is transwomen are transwomen. I think if you’ve lived in the world as a man, with the privileges the world accords to men, and then switch gender – it’s difficult for me to accept that then we can equate your experiences with the experiences of a woman who has lived from the beginning in the world as a woman, who has not been accorded those privileges that men are. I don’t think it’s a good thing to conflate everything into one. I don’t think it’s a good thing to talk about women’s issues being exactly the same as the issues of transwomen. What I’m saying is that gender is not biology, gender is sociology.”

In the court of queer opinion, Adichie’s crime was to differentiate between those who are biologically female and raised as such, and those who transition from male to female (and were, for all intents and purposes, treated as male before undergoing transition), in her description of womanhood.  Within queer discourse the prefixes of ‘cis’ and ‘trans’ are designed to draw precisely that distinction, yet it is only when feminist women articulate and explore those differences that their acknowledgement becomes a source of ire.

Adichie’s statement is perfectly logical: it is ludicrous to imagine that those socialised and Chimamanda-Ngozi-Adichie_photo1read as female during their formative years have the same experiences as those socialised and read as male. Patriarchal society depends upon the imposition of gender as a means of subordinating women and granting men dominance. Conflating the experiences of women and transwomen erases the male privilege that transwomen held prior to transition and negates the legacy of learned male behaviour. It denies the true significance of how one arrives at womanhood in shaping that experience of womanhood. It denies both sets of truths.

Everyday Feminism published a piece outlining seven points that prove transwomen never held male privilege, a piece which would perhaps have been more effective in advocating feminist solidarity if it didn’t direct ageist misogyny towards second wave feminists in the opening line. Within this article, Kai Cheng Thom argues that “…if [transwomen] are women, that means we cannot receive male privilege – because male privilege is by definition something that only men and masculine-identified people can experience.”

Here is crux of the matter – the tension that exists between material reality and self-identification in shaping definitions of womanhood. If transwomanhood is synonymous with womanhood, the hallmarks of women’s oppression cease to recognisable as women’s experiences. Gender cannot be categorised as a socially constructed means of oppression if it is also to be considered as an innate identity. The connection between biological sex and the primary function of gender – oppressing women for the benefit of men – is erased. As Adichie stated, this conflation is at best unhelpful. If we cannot acknowledge the privileges those recognised and treated as male hold over their female counterparts, we cannot acknowledge the existence of patriarchy.

Biology is not destiny. However, within patriarchal society, it determines the roles ascribed to girls and boys at birth. And there is a fundamental difference in how those biologically male and biologically female are positioned by dominant structures of power, irrespective of gender identity.

“Girls are socialized in ways that are harmful to their sense of self – to reduce themselves, to cater to the egos of men, to think of their bodies as repositories of shame. As adult women, many struggle to overcome, to unlearn, much of that social conditioning. A trans woman is a person born male and a person who, before transitioning, was treated as male by the world. Which means that they experienced the privileges that the world accords men. This does not dismiss the pain of gender confusion or the difficult complexities of how they felt living in bodies not their own. Because the truth about societal privilege is that it isn’t about how you feel. It is about how the world treats you, about the subtle and not so subtle things that you internalize and absorb.”Chimamanda Ngozi Adichie

If women can no longer be identified as members of a sex class for political purposes, women’s oppression cannot be directly addressed or challenged. Subsequently, feminist objectives are undermined by queer politics.

Linguist Deborah Cameron has identified the trend of “the amazing disappearing woman”, highlighting the pattern of women’s lived realities and oppression being rendered invisible by gender-neutral language. Whereas womanhood is relentlessly deconstructed within queer discourse, the category of manhood is yet to be disputed.

no womenIt is not an accident that masculinity remains uncontested even as the word woman is treated as offensive, exclusionary. Man is positioned as the normative standard of humanity, woman as other-to-man. In reducing women to “non-men”, as the Green Party attempted to,  in reducing women to “pregnant people”, as the British Medical Association advised, queer discourse perpetuates the framing of woman as other. Queer ideology takes patriarchal conventions to their logical conclusion by quite literally writing women out of existence.

Defining the oppressed class in relation to the oppressor, denying the oppressed the language to speak of how they are marginalised, only serves to ratify the hierarchy of gender. Though such linguistic shifts appear inclusive at first glance, they have the unforeseen consequence of perpetuating misogyny.

“Removing the word women and biological language from discussions of female bodily reality seems dangerous. Refusing to acknowledge the female anatomy, reproductive capabilities and sexuality has long been the work of the patriarchy. It seems we had a few golden decades of acknowledgement, and could wear our lived experience of bodily womanhood proudly – but now we have to drop that language in favour of the group. Even with logic in the driver’s seat, it’s hard not to feel this particular aspect of womanhood is being erased with uncomfortable echoes of patriarchy past.”Vonny Moyes

Addressing the issues of biological sex and gendered socialisation have become increasingly controversial, with more extreme elements of queer ideology positioning both subjects as TERF “myth”. It would be easy to wish the connection between women’s biology and our oppression, the consequences of gendered socialisation, were myths. In such a scenario, those in possession of a female body – women – could simply identify our way out of structural oppression, choose to be part of any group other than an oppressed class. Yet exploitation of female biology and gendered socialisation both play a pivotal role in establishing and maintaining the oppression of women by men.

Queer politics repackages women’s oppression as a position of inherent privilege whilst simultaneously depriving us of the language required to address and oppose that very oppression. The issue of gender identity leaves feminists in something of a double-bind: either accept that being marginalised on account of your sex is cis privilege or speak up and risk being branded a TERF. There is no space for dissenting voices in this conversation – not if those voices belong to women. In this respect, there is very little difference between the standards set by queer discourse and those governing patriarchal norms.

The word woman is important. With a name comes power. As Patricia Hill Collins observes (2000), self-definition is a key component of political resistance. If womanhood cannot be positively articulated, if womanhood is understood only as a negative of manhood, women are held in the position of object. It is only through considering women as the subject – as self-actualised human beings with the right to self-determination – that liberation becomes possible.

“The strength of the word ‘woman’ is that it can be used to affirm our humanity, dignity and worth, without denying our embodied femaleness or treating it as a source of shame. It neither reduces us to walking wombs, nor de-sexes and disembodies us. That’s why it’s important for feminists to go on using it. A movement whose aim is to liberate women should not treat ‘woman’ as a dirty word.”Deborah Cameron

Without proud and open use of word woman, feminist politics lack the scope to mount anyradfem-symbol real resistance to women’s subordination. You cannot liberate a class of people that may not even be named. Womanhood is devalued by these insidious attempts to render it invisible. If women do not consider ourselves worth the inconvenience caused by naming us directly, specifically, we can hardly argue that we are worth the difficulties that liberation must bring.

Any potential offence caused by referring unequivocally to the female body is minor compared to the abuse and exploitation of our female bodies under patriarchy. As Chimamanda Ngozi Adichie says, “‘Because you are a girl’ is never a reason for anything. Ever.”


Bibliography

Chimamanda Ngozi Adichie. (2014). We Should All Be Feminists

Chimamanda Ngozi Adichie. (2017). Dear Ijeawele, or A Feminist Manifesto in Fifteen Suggestions

Kat Banyard. (2010). The Equality Illusion: The Truth about Women and Men Today

Deborah Cameron. (2007). The Myth of Mars and Venus: Do Men and Women Really Speak Different Languages?

Patricia Hill Collins. (2000). Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness and the Politics of Empowerment (Second Edition)

Finn MacKay. (2015). Radical Feminism: Feminist Activism in Movement

Natasha Walter. (2010). Living Dolls: The Return of Sexism

Feminism is the Future: a Black Feminist’s Advice to Young Women

Happy International Women’s Day!


 

When asked if she ever intended to pass her feminist torch, Gloria Steinem responded that she would instead use it to light a thousand other torches. And that’s the most beautiful expression of what feminism, as a social movement, is all about. I cannot claim to have amassed a great deal of wisdom in twenty four years of life – perhaps at forty eight I will look back and laugh at the audacity of suggesting I have any wisdom at all at this point – but what there is I want to share. So I am writing down all the things I wish I had known when I was younger, putting together pieces of knowledge that would have been handy earlier in life, in the hope that young feminists will find them illuminating. In sharing what keeps my own feminism burning bright no matter how hard the world tries to extinguish my belief in this movement, I hope to light a few more feminist torches.

Support Other Women

The first and most important lesson worth learning: the love and support of other women is the most powerful, sustaining force on earth. Women’s bravery and compassion is an infinite source of inspiration. The women in your life will hold you together through the worst of times and lift you even higher at the best of times. Prioritising women is the most rewarding decision you will ever make. Unpick the threads of internalised misogyny that keep you from thinking other women are worth your time and attention. Loving women is a powerful act of resistance and, as Alice Walker wrote, “resistance is the secret of joy!” Support women whose struggles are different to your own, support women who hold less structural power than you do. The positive energy that you direct towards other women will be returned to you tenfold.

steinem hale

Sisterhood is powerful – there’s a lot of truth contained in those three words, truth with the magnitude to rock the entire world, which reason it gets sneered at and belittled so often. To realise the power of sisterhood is to realise that you don’t have to squash yourself inside the narrow confines of what patriarchy tells us women can be, how women should live our lives. Connecting with other women, loving other women – it creates a world of possibilities. It opens the door to a feminist future and, in the here and now, will bring you a richer and happier life.

Be Open to Learning

Never close your mind to new ideas, other perspectives. Like Audre Lorde said, “I am notaudre-lorde-2 free while any woman is unfree, even when her shackles are very different from my own.”  There are times when the boldest and most radical thing you can do it stop talking and start listening. Really listening, with focus and curiosity. Learn about women whose lives are different to your own. Try to see the world through their eyes – let that empathy inform your own views, change your behaviour. Do not project yourself onto their stories, but rather treat the parallels between your struggles as a means of connection – a way to bridge difference.

Nobody starts off perfect. Nobody ends up perfect, either – there is no such thing as a perfect feminist. But I’d trust a woman who genuinely tries to improve and grow over a woman who wants to be a perfect feminist on any day of the week. When you get it wrong, admit you are wrong and learn from it. When you get it right, try to bring other women with you to that point of understanding. Think of every woman you have ever learned from, the relief that came from being taught without judgement, and try to do the same for other women. This is how we create feminist consciousness. This is how we create social change.

Use Your Voice

Nobody else is ever going to express exactly what you are thinking in exactly the way you would say it. Your perspective is distinct. Your way of articulating that perspective is unique. Sharing ideas has always been a key element of the feminist movement.

“When a woman tells the truth she is creating the possibility for more truth around her.”Adrienne Rich

There are lots of different ways to use your voice – in fact, there have never been more – so find one that fits. Pamphleteering and public speaking both were crucial to the suffrage movement. Feminist tracts of the second wave offered blueprints for women’s liberation, with magazines and newsletters creating alternative media content and bringing women into feminist discourse. The DIY spirit of the third wave added zines to the mix, built upon the tradition of using creation as resistance with music and art. Throughout history women have found power through voice. Not the hollow, commercialised empowerment of a new lipstick, but real and lasting power. Self-expression and communication are tools of survival.

circuitfeminism_dqh8xpSome have speculated that we are now living through the fourth wave of feminism, and they might be right. Technological advancements have propelled us into a digital era, making it possible to engage with and learn from women around the world. That information grows ever more accessible, that plural perspectives become all the more visible, brings a change for the better. New media has also shifted the pattern of who gets heard, whose voice is accepted as part of public discourse. Women of colour in particular benefit from the absence of traditional gatekeeping online, using social media and digital tools to build platforms for ourselves.

Whether you vlog or blog, create zines or political art, start a podcast or a petition – or even do all of these things, if you have the energy of Wonder Woman – your message is worth sharing.

Practice Self-Care.

It doesn’t have to be elaborate or expensive. Spend an afternoon at the library. Walk beside the river or the sea. Bake a delicious cake. Make time to talk with a friend. The mainself-care thing is that you look after yourself. Prioritise what you enjoy, activities that nourish you. The more involved with feminist politics you become, the more draining it has the potential to become – after all, you are living your politics and carrying that political struggle with you every day. Making space for yourself is not only valid, but good.

Since trolling and online harassment are endemic, it is important to remember: nobody is entitled to your time or attention. Block, mute, ignore – you are in no way obliged to respond, least of all to men whose main kick in life comes from going on the internet with the objective of wasting women’s time.

Also, don’t spread yourself too thinly within the feminist movement. You don’t have to run yourself ragged for your contributions to the feminist movement to be legitimate. You can say no to a project, turn down a campaign, stay home instead of protesting. Nobody is going to revoke your feminist card, and if they try then shut down the guilt trip by pointing out that exploitative practice is not inherently feminist. No is a complete sentence. Assert your boundaries and do not spend more emotional labour or physical energy than you feel able to give.

Use Your Privilege to Help Others

Instead of gratuitous apologies for privilege, make good use of it and ustilise that power to help those without it. Holding privilege in one area, i.e. being white, does not mean that you are not marginalised in others, i.e. being working-class. Our lives are not static, but dynamic, and so there will often be ways in which we can use a position of belonging within a dominant group to assist others regardless of how little social power we actually hold overall.

posterRebecca Bunce has a wonderful way of putting it: “As a feminist, look around the room and ask yourself ‘who isn’t here?’ Then ask what would it take to get that person here?” Never accept exclusion as the product of normality. Marginalisation is not a neutral act or process. By observing and challenging it, you have the power to prevent other people and their political struggles from being neglected.

Being an ally isn’t about getting praise for helping out. It’s about bringing people whose struggles are different to your own from the side-lines and into the centre of a situation, enabling them to engage fully. It is actually the most rewarding part of being a feminist, because – when done right – it creates a powerful bond of solidarity. Those connections demonstrate the potential for a better future, ways of life radically different to dynamics shaped by patriarchy – approaching difference creatively brings us the best of what feminism has to offer.


Bibliography

Findlen, Barbara (ed). (2001). Listen Up: Voices From the Next Feminist Generation

hooks, bell. (1984). Feminist Theory: From Margin to Centre

Walker, Alice. (1992). Possessing the Secret of Joy

Zaslow, Emilie. (2009). Feminism, Inc.: Coming of Age in Girl Power Media Culture

Lezbehonest (Parlons franchement) à propos de l’effacement des femmes lesbiennes par la politique queer

Lezbehonest about Queer Politics Erasing Lesbian Women is now available in French! Many thanks to TradFem for the translation.


Ce texte est le deuxième d’une série d’essais sur le sexe, le genre et la sexualité. Le premier, intitulé « Le sexe, le genre et le nouvel essentialisme », est disponible ici. J’ai écrit au sujet de l’effacement des lesbiennes parce que je refuse d’être rendue invisible. En élevant la voix en dissidence, je cherche à offrir à la fois un certain degré de reconnaissance à d’autres femmes lesbiennes et une résistance active à tout cadre d’analyse politique, hétéro ou queer, affirmant que les lesbiennes sont une espèce en voie d’extinction. Si les femmes qui aiment les autres femmes et qui leur accordent la priorité constituent une menace pour votre politique, je peux vous garantir que vous faites partie du problème et non de la solution.

Ce texte est dédié à SJ, qui me rend fière d’être lesbienne. Ta bonté illumine mon monde.


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« Lesbienne » est à nouveau une catégorie contestée. La définition la plus littérale de la lesbienne – une femme homosexuelle – est sujette à une nouvelle controverse. Cette lesbophobie ne provient pas des conservateurs sociaux, mais se manifeste au sein de la communauté LGBT+, où les femmes lesbiennes sont de plus en plus diabolisées comme intolérantes ou rejetées comme une blague éculée en raison de notre sexualité.

Dans le contexte postmoderne de la politique queer, les femmes dont l’attraction s’adresse strictement au même sexe sont présentées comme un archaïsme. Sans surprise, les désirs des hommes gais ne sont pas policés avec une fraction de la même rigueur : dans un contexte queer, les hommes sont encouragés à prioriser leur propre plaisir, alors que les femmes continuent à subir l’attente que nous accommodions les autres. Loin de subvertir les attentes patriarcales, la politique queer répète ces normes en perpétuant les rôles normatifs du genre. Ce n’est pas une coïncidence que les femmes lesbiennes essuient la plus grande part de l’hostilité queer.

En même temps que la généralisation du fascisme et la normalisation de la suprématie blanche, ces dernières années ont donné voie à une avalanche de sentiment anti-lesbien. Des interventions médiatiques hypothétiquement adressées aux lesbiennes et écrites par elles nous informent que nous sommes une espèce en voie d’extinction. Des ressources féministes se demandent si nous avons même besoin du mot lesbiennes, des textes d’opinion affirment que la culture lesbienne est éteinte, d’autres lancent à la légère que le mot lesbienne « ressemble à une maladie rare », et certains commentaires vont jusqu’à soutenir que la sexualité lesbienne est une relique du passé dans notre meilleur des mondes sexuellement fluide : tous ces écrits positionnent délibérément la sexualité lesbienne comme démodée. Ils encouragent activement le rejet de l’identité lesbienne en confirmant l’impression que la lectrice se verra comme quelqu’un de moderne et de progressiste si elle est prête à rejeter cette identification. Tout comme le patriarcat récompense la « fille cool » pour s’écarter des idéaux féministes, la politique queer récompense la lesbienne qui s’associe à n’importe quelle autre étiquette.

Décourager les lesbiennes de s’identifier comme telles, de revendiquer la culture et la politique d’opposition qui sont notre héritage, est une stratégie efficace. Heather Hogan, rédactrice en chef de la publication prétendument lesbienne Autostraddle, a récemment pris d’assaut le réseau Twitter et comparé toute résistance anti-lesbophobie à une politique néonazie. Hogan se décrit elle-même comme lesbienne, mais qualifie les perspectives féministes lesbiennes d’intrinsèquement intolérantes.

Des internautes activistes queer ont mené, en Grande-Bretagne, une campagne d’intimidation de la Working Class Movement Library, sous prétexte que celle-ci avait invité la féministe lesbienne Julie Bindel à prendre la parole durant le mois d’Histoire du mouvement LGBT. Ils et elles ont inondé la page Facebook de cet événement de messages agressifs et harcelants qui ont été jusqu’à des menaces de mort. Le fait que l’analyse féministe de Bindel considère le genre comme un rapport hiérarchique est suffisant pour qu’on la qualifie de « dangereuse ». La nouvelle Bibliothèque des Femmes de Vancouver a également été l’objet d’une campagne d’intimidation menée par des militant-e-s queer, qui ont exigé que les responsables suppriment certains textes féministes de leurs étagères au motif que ceux-ci « préconisent le préjudice » : la majorité des livres jugés répréhensibles sont l’œuvre de féministes lesbiennes telles qu’Adrienne Rich, Ti-Grace Atkinson et Sheila Jeffreys. Il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec tous les arguments avancés par les théoriciennes féministes lesbiennes pour constater que l’effacement délibéré des perspectives féministes lesbiennes est un acte de lâcheté intellectuelle enracinée dans de la misogynie.

La sexualité, la culture et le féminisme des lesbiennes sont tous l’objet d’une opposition nourrie issue de la politique queer. Le projet de rendre les lesbiennes invisibles – une tactique classique du patriarcat – est justifié par les queer au nom du principe que la sexualité et la praxis des lesbiennes ont un caractère exclusif, et que cette exclusion équivaut à de l’intolérance (en particulier envers les hommes et les femmes transgenres).

LE LESBIANISME A-T-IL UN CARACTÈRE EXCLUSIF?

Oui. Toute sexualité a, par définition, un caractère exclusif, étant façonnée par un ensemble particulier de caractéristiques qui définissent les paramètres de la capacité d’une personne à éprouver une attraction physique et mentale. Cela n’a en soi rien d’intrinsèquement intolérant. L’attraction est physique, ancrée dans une réalité matérielle. Le désir se manifeste ou non. Mais la sexualité des lesbiennes est et a toujours été sujette à des attaques, du fait que les femmes vivant une existence lesbienne ne consacrent pas aux hommes de travail affectif, sexuel ou reproductif, toutes choses exigées par les normes patriarcales.

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Une lesbienne est une femme qui est attirée et intéressée par d’autres femmes, à l’exclusion des hommes. Que les frontières sexuelles des lesbiennes fassent l’objet d’une régulation aussi vigoureuse résulte d’une misogynie concentrée, que vient aggraver l’homophobie. Des femmes désirant d’autres femmes, à l’exclusion des hommes; des femmes consacrant notre temps et notre énergie à d’autres femmes, à l’exclusion des hommes; des femmes construisant notre vie autour d’autres femmes, à l’exclusion des hommes; c’est de ces façons que l’amour lesbien représente un défi fondamental pour le statu quo. Notre existence même contredit l’essentialisme traditionnellement utilisé pour justifier la hiérarchie du genre – « il est naturel » que devenir subordonnée à un homme soit tout simplement le lot de la femme dans la vie. La vie lesbienne est intrinsèquement oppositionnelle. Elle crée de l’espace pour des possibilités radicales, auxquelles résistent aussi bien les éléments conservateurs que libéraux.

Ces jours-ci, la sexualité des lesbiennes est contestée par le discours queer parce qu’elle est une reconnaissance directe et positive de la condition biologique de femme. Arielle Scarcella, qui gère un blog vidéo renommé, a été attaquée pour avoir affirmé qu’en tant que femme lesbienne, elle « aimait les seins et les vulves, et non les pénis ». Son attirance pour le corps féminin a été dénoncée comme « transphobe ». Le fait que le désir lesbien provient de l’attirance pour le corps féminin est critiqué comme essentialisme, car il est seulement déclenché par la présence de caractéristiques féminines de sexe primaires et secondaires. Comme le désir des lesbiennes ne s’étend pas aux transfemmes, il est « problématique » dans le cadre d’une lecture queer de la relation entre le sexe, le genre et la sexualité.

Au lieu d’accepter les frontières sexuelles des femmes lesbiennes, l’idéologie queer situe ces frontières comme un problème à surmonter. L’éditorialiste LGBT du webmédia Buzzfeed, Shannon Keating, préconise la déconstruction de la sexualité lesbienne comme éventuelle « solution » :

«… peut-être pourrions-nous simplement continuer à contester la définition traditionnelle du lesbianisme, qui présuppose qu’il n’existe que deux sexes binaires et que les lesbiennes peuvent ou devraient n’être que des femmes cisgenre attirées par les femmes cisgenre. Certaines lesbiennes qui ne sont pas 100% TERF demeurent par trop enthousiastes de se refuser à fréquenter des personnes transgenre en raison de « préférences génitales« , ce qui signifie qu’elles ont des idées incroyablement réductrices sur le genre et les corps. »

La sexualité lesbienne ne peut être déconstruite jusqu’à disparaître. En outre, problématiser la sexualité lesbienne est en soi problématique : c’est une forme de lesbophobie. Le lesbianisme a de tout temps été « contesté » par le patriarcat. Tout au long de l’histoire, les hommes ont emprisonné, tué et institutionnalisé les femmes lesbiennes, et soumis les lesbiennes à des viols correctifs – tout cela afin de contraindre les femmes à l’hétérosexualité. La lesbophobie de la vieille école applique la règle du « don’t-ask-don’t-tell », le prix de l’acceptation sociale (c.-à-d. d’un tant soit peu de tolérance) étant notre acceptation d’être présumées hétérosexuelles, straight jusqu’à preuve du contraire. Ce qui n’était pas menaçant.

La lesbophobie « progressiste » est beaucoup plus insidieuse, car elle a lieu dans les espaces LGBT+ dont nous faisons ostensiblement partie. Elle nous demande de rejeter le mot « lesbienne » au profit d’étiquettes douces et câlines, du type Women Loving Women, ou suffisamment vagues, comme le mot « queer », pour éviter de communiquer un ensemble strict de frontières sexuelles. Elle nous demande d’abandonner le caractère spécifique de notre sexualité afin d’acheter la paix avec d’autres personnes.

LE PLAFOND DE COTON

Le débat sur le « plafond de coton » est généralement rejeté comme une « exagération des TERF*», mais en fait, cette expression a d’abord été créée par le trans-activiste Drew DeVeaux. Pour la bloggeuse féministe queer Avory Faucette, la théorie du plafond de coton vise à « contester la tendance des lesbiennes cisgenre à […] refuser de coucher avec des transfemmes ou d’inclure des transfemmes lesbiennes dans leurs communautés sexuelles ». En mars 2012, la section torontoise de l’organisation Planned Parenthood a organisé un atelier devenu notoire à ce sujet, sous le titre Abolir le plafond de coton : renverser les obstacles sexuels que rencontrent les transfemmes queer.

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Les frontières sexuelles des femmes lesbiennes sont ici présentées comme un « obstacle » à « renverser ». On légitime l’élaboration de stratégies visant à encourager des femmes à se prêter à des actes sexuels non désirés, et la coercition sexuelle est excusée au nom du langage de l’inclusivité. Ce discours s’appuie sur l’objectivation des femmes lesbiennes, nous positionnant comme les objets d’une conquête sexuelle. La théorie du plafond de coton repose sur une mentalité de droit d’accès sexuel au corps des femmes, nourrie par un climat de misogynie.

La sexualité des lesbiennes n’existe pas pour assurer la validation de qui que ce soit. Les frontières sexuelles d’une femme ne sont jamais négociables. Soutenir de telles thèses dans le discours queer recrée la culture de viol produite par le patriarcat hétéro. Que l’accès sexuel aux corps des femmes lesbiennes soit traité comme un test décisif, une validation de la transféminité, est déshumanisant pour les femmes lesbiennes. Présenter la sexualité lesbienne comme motivée par l’intolérance crée un contexte de coercition, dans lequel les femmes sont pressées de reconsidérer leurs frontières sexuelles par crainte d’être qualifiées de TERF.

Refuser l’accès sexuel à son propre corps n’équivaut pas à une discrimination à l’encontre de la partie rejetée. Ne pas considérer quelqu’un comme éventuel partenaire sexuel n’est pas une forme d’oppression. En tant que catégorie démographique, les femmes lesbiennes ne détiennent pas plus de pouvoir structurel que les transfemmes; s’approprier le langage de l’oppression pour débattre du « plafond de coton » est, au mieux, hypocrite.

Pour dire les choses carrément, aucune femme n’a jamais l’obligation de baiser avec qui que ce soit.

CONCLUSION

La sexualité lesbienne est devenue le lieu où explosent des tensions de longue date entourant le sexe et le genre. Cela tient à ce qu’en régime patriarcal, les femmes subissent le lourd fardeau de valider les autres. Les hommes gais ne sont pas qualifiés d’intolérants du fait d’éviter les relations vaginales en raison de leur homosexualité. Aimer les hommes et désirer le corps masculin relève d’une certaine logique dans un contexte culturel construit autour d’une priorité à la masculinité, dans un cadre queer. Inversement, comme le corps féminin est constamment déprécié sous le patriarcat, les femmes qui désirent des femmes sont l’objet de soupçons.

« Si je ne me définissais pas pour moi-même, je serais écrasée et réduite aux fantasmes des autres à mon sujet et je serais dévorée vive. » Audre Lorde

Les lesbiennes ont dû affronter la même vieille combinaison de misogynie et d’homophobie de la part de la Droite, et elles sont maintenant scrutées sans relâche par la gauche queer et libérale : que nous soyons des femmes désintéressées par le pénis est apparemment litigieux d’une extrémité à l’autre du spectre politique. Les conservateurs sociaux nous disent que nous sommes endommagées, anormales. La famille LGBT+ à laquelle nous sommes censées appartenir nous dit que nous sommes désespérément démodées dans nos désirs. Les deux tentent activement de déconstruire l’existence même de la lesbienne. Les deux tentent de rendre les femmes lesbiennes invisibles. Les deux suggèrent que nous n’avons tout simplement pas encore essayé la bonne bite. Ces parallèles entre la politique queer et le patriarcat ne peuvent être passés sous silence.

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*NdT : TERF = Trans-Exclusive Radical Feminists, une injure à la mode

 


BIBLIOGRAPHIE

Julie Bindel. (2014). Straight expectations.

Cordelia Fine. (2010). Delusions of gender.

Audre Lorde. (1984). « Scratching the Surface: Some Notes on Barriers to Woman and Loving », dans Sister Outsider.

Rebecca Reilly-Cooper. (2015). Sex and Gender : A Beginner’s Guide.

Adrienne Rich. (1980). La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne


 

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Original text initially posted here.